Notas:
|
La revendication historiographique d'un modèle de féodalisme méditerranéen, dans les années 70 du
XXIe s., s'est accompagnée de l'apparition sur scène du féodalisme hispanique. Depuis lors, l'évolution
historiographique sur l'origine du féodalisme a été vertigineuse, suivant des rythmes et des contenus
différents dans les trois domaines territoriaux. La thèse d'État de Pierre Bonnassie publiée en 1976
établissait pour la Catalogne un modèle mutationniste, où la violence des seigneurs contre les paysans,
entre 1030/40 et 1060, conduisait la paysannerie à la servitude et les seigneurs aux relations féodovassaliques.
Au cours des décennies suivantes, le modèle s'est fissuré à la suite des recherches sur les
systèmes de parenté (Ruíz- Doménec), sur la violence (Gari, Bisson), sur le droit (Gouron, Iglesia), sur
la paysannerie (Feliu, Freedmann), sur les châteaux (Riu) et sur la frontière (Sabaté). Il faut ajouter à
l'amélioration interprétative une augmentation des publications de sources documentaires, facilitant le
changement qui apparaît au XXIe s., avec des explications qui commencent par le processus de «
châtellenisation » et de « seigneurialisation » du Xe s. et se concluent par leur établissement définitif au
XIIe s. Par contre, en Navarre et en Aragon, le débat historiographique reste axé sur le mutationnisme
orthodoxe de Larrea (1998) et sur le mutationnisme modéré de Laliena. Celui-ci, élaboré tout au long de
la dernière décennie du XXe s., interprète une mutation non violente dans les tenures des honores vers
1020, l'établissement d'un État féodal dans les dernières décennies du XIe s. et le couronnement du
féodalisme par l'occupation militaire de la vallée de l'Ebre au XIIe s. En Léon et en Castille l'opinion
traditionnelle contraire à l'existence du féodalisme défendu par Claudio Sânchez Albornoz se brise dans
les années 70 suite à la pondération de l'importance des sociétés préromaines, avec une vigueur
étroitement liée au féodalisme (Barbero, Vigil). On cherche l'apparition du féodalisme dans les
communautées villageoises (Garcia de Cortázar) touchées par la lutte des classes dérivée de
l'agression seigneuriale externe (Estepa), par le courant interne très attaché à l'évolution de la frontière
(Mînguez) ou par la hiérarchisation sociale interne (Alvarez Borge). La clé se situe dans l'immigration et
dans la reprise du territoire (Martínez Sopena, Pena), sans oublier l'interprétation mutationniste
orthodoxe (Pastor). Actuellement un nombre très élevé de jeunes chercheurs, en se basant sur
l'analyse de la rare documentation et sur l'archéologie, s'accordent sur une vue progressive qui part de
la crise du VIe s., accentuée par l'établissement de la frontière au VIIIe s., qui fait s'entendre les
populations résiduelles et les nouveaux seigneurs en même temps que s'articule le territoire entre le IXe
et le XIe s., et qui débouche sur des tensions résolues par l'affermissement institutionnel du féodalisme
au XIe s. Cet ensemble historiographique constitue une recherche très innovante, bien que peu
coordonnée entre les différents territoires. |